© Virginie Fendler

Chansons de tous les temps  

Après « Un petit air de francophonie », la première éphéméride à l’occasion de la semaine de la Francophonie de 2021, Le Hall de la chanson revient cette année, pour la 28e édition de la Semaine de la langue française et de la francophonie au doux mot d’ordre et d’inspiration À tous les temps. 
Son éphéméride composé de 7 chansons qui chantent le temps qui passe ou le temps qu'il fait, révélera, chaque jour sur le site du Hall de la chanson, une nouvelle chanson à entendre et à lire accompagnée de quelques lignes de commentaires sur l’œuvre et sur l’artiste qui l’a portée. 
Prenez le temps de jeter un coup d’œil et d'oreille à nos chansons de tous les temps, elles vont vous faire voyager dans la langue française par la voix des artistes. 




Je chante pour passer le temps 

(P : Louis Aragon extrait du « Roman inachevé » / M : Léo Ferré, 1959, © Les Nouvelles Editions Méridian, Paris (France)

Avec l’aimable autorisation de Les Nouvelles Editions Méridian, Paris (France) et des ayants droits


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Paroles 

Je chante pour passer le temps
Petit, qu’il me reste de vivre
Comme on dessine sur le givre
Comme on se fait le cœur content
A lancer cailloux sur l’étang
Je chante pour passer le temps

J’ai vécu le jour des merveilles
Vous et moi souvenez-vous-en
Et j’ai franchi le mur des ans
Des miracles plein les oreilles
Notre univers n’est plus pareil
J’ai vécu le jour des merveilles

Allons, que ces doigts se dénouent
Comme le front d’avec la gloire
Nos yeux furent premiers à voir
Les nuages plus bas que nous
Et l’alouette à nos genoux
Allons, que ces doigts se dénouent

Nous avons fait des clairs de lune
Pour nos palais et nos statues
Qu’importe à présent qu’on nous tue
Les nuits tomberont une à une
La Chine s’est mise en Commune
Nous avons fait des clairs de lune

Et j’en dirais et j’en dirais
Tant fut cette vie aventure
Où l’homme a pris grandeur nature
Sa voix par-dessus les forêts
Les monts les mers et les secrets
Et j’en dirais et j’en dirais

Oui pour passer le temps je chante
Au violon s’use l’archet
La pierre au jeu des ricochets
Et que mon amour est touchante
Près de moi dans l’ombre penchante
Oui pour passer le temps je chante

Je chante pour passer le temps
Oui, pour passer le temps, je chante




Le poème de Louis Aragon fait partie du recueil « Le Roman inachevé » publié en 1956.

Dans cette autobiographie poétique, Aragon, âgé de 59 ans, se retourne sur son passé et fait le bilan de son parcours intime et collectif. Il évoque son enfance, son adolescence, la guerre et la résistance, le surréalisme, les voyages, les déambulations dans Paris, son engagement politique envers le communisme, les mensonges et les compromissions mais aussi l’amour et la femme rédemptrice…

Dans Je chante pour passer le tempsle poète revisite, avec lyrisme, ce qui appartient à l’aventure collective. Mais le temps a fait son œuvre et Aragon prend ses distances avec ses engagements passés. Seules la poésie et la femme aimée semblent échapper à ce qui n’a été qu’un mauvais rêve : le XXe siècle et sa barbarie…

Ce poème a été mis en musique par Léo Ferré pour son album “Les chansons d’Aragon”, publié par Barclay, en 1961.

La poésie d’Aragon, dont la musicalité est évidente, a été une source d’inspiration pour de nombreux compositeurs et chanteurs, et a permis à un large public de découvrir l'œuvre du poète (Ferrat y contribuera fortement lui aussi).

A propos de la mise en musique de ses poèmes, Aragon fera cette confidence : « Chaque fois que j’ai été mis en musique, je me suis émerveillé et cela m’a beaucoup appris, sur moi-même et ma poésie ».

Léo Ferré découvre « Le Roman inachevé » dans une librairie de Saint-Germain des Prés peu après sa parution. Il décide de travailler dessus. Il invite Aragon et Esla Triolet chez lui pour leur présenter au piano quelques poèmes qu’il a mis en musique. Aragon donne son accord pour un projet d’album. Ferré chantera Je chante pour passer le temps qu’il a adaptée sans changer un seul mot du texte, Tu n'en reviendras pas, et L'Étrangère à la radio, dans l'émission Avant-Premières de Luc Bérimont, respectivement en janvier, février et mars 1959.

On trouvera ces chansons dans l’album « Les chansons d’Aragon », qu’il enregistrera pour Barclay en 1961 et pour lequel Aragon rédigera ce texte de présentation se terminant ainsi :

« [...] Léo Ferré rend à la poésie un service dont on calcule mal encore la portée, en mettant à la disposition du nouveau lecteur, un lecteur d'oreille, la poésie doublée de la magie musicale. Il lui en donne sa lecture, à lui, Ferré, et c'est là l'important, le nouveau, le précieux. Le poète, le poème, ce ne sont que des points de départ, au-delà desquels il y a le rêve. [...] Il faudra réécrire l’histoire littéraire un peu différemment, à cause des Léo Ferré »

Nous avons choisi de vous présenter la version de la chanteuse québécoise Renée Claude, que l’on trouve dans son disque hommage à Léo Ferré : « Renée Claude chante Léo Ferré » qui reçoit en avril 1996 le grand prix de l’Académie Charles-Cros.

Cet album-hommage est né d’un spectacle qu’elle avait monté à partir des chansons de l’auteur d’Avec le temps, mort quelques jours avant la première, en juillet 1993. Elle donnera ce spectacle dans tout le Québec, ainsi qu’en France, en Suisse et en Italie.




Biographies

Léo Ferré est né le 24 août 1916 à Monaco. Il est mort le 14 juillet 1993 à Castellina in Chianti (Toscane, Italie). Il a réalisé plus d'une quarantaine d'albums originaux couvrant une période d'activité de quarante-six ans.

De culture musicale classique, il dirige également à plusieurs reprises des orchestres symphoniques.

Fils de Joseph Ferré, directeur du personnel du casino de Monte-Carlo, et de Marie Scotto, couturière d'origine italienne, il intègre à l’âge de sept ans la chorale de la maîtrise de la cathédrale de Monaco comme soprano.

À neuf ans, son père, un homme catholique et rigide, l'envoie en pensionnat en Italie pendant huit ans, entre 1925 et 1934. En secret, il lit les auteurs considérés comme subversifs par les religieux, Voltaire, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé et découvre le sens du mot anarchiste, position dont il se revendiquait.

De retour à Monaco pour préparer son baccalauréat, il devient pigiste pour le journal Le Petit Niçois comme critique musical, ce qui lui permet d'approcher des chefs d'orchestre prestigieux.

À la fin de l'été 1946, Léo Ferré s'installe à Paris et se produit au cabaret Le Bœuf sur le toit où il s'accompagne au piano. Il se lie d'amitié avec Jean-Roger Caussimon, qui l’autorise à mettre en musique son poème À la Seine. Ensemble, ils créent plusieurs chansons particulièrement appréciées du public comme Monsieur William (1950), Le Temps du tango (1958), ou encore Comme à Ostende (1960).

Le 3 mars 1947, Léo Ferré signe son premier contrat avec l’éditeur musical Le Chant du Monde, proche du Parti communiste. En 1950, il rencontre Madeleine Rabereau qui soutiendra ses choix artistiques. Il adaptera aussi les poètes, dont Apollinaire, Verlaine, Rimbaud, Baudelaire et Aragon. Paris Canaille, sera son premier grand succès que de nombreux autres suivront tels que C’est Extra, Jolie Môme, Avec le temps

Après un virage symphonique, il publie son dernier album en 1991, Une saison en Enfer en hommage à Arthur Rimbaud.


Louis Aragon (1897-1982)

Fils d’un père haut fonctionnaire et député qui n’a jamais voulu le reconnaitre, Aragon fait preuve très tôt d’un talent pour l’écriture. Il devient l’ami d’André Breton qu’il rencontre en 1916, publie ses premiers poèmes en 1918 et est décoré de la Croix de Guerre pour son courage lors de la guerre 14-18 (il officiait en tant que médecin auxiliaire dans les Ardennes).
Il participe avec André Breton au mouvement dadaïste et surréaliste. Il utilise l’écriture automatique dans les "Aventures de Télémaque" (1921), puis le "Mouvement perpétuel" (1926).
En 1928, il rencontre l’amour de sa vie en la personne d’Elsa Triolet, femme écrivain d'origine russe, qui lui inspirera de nombreux poèmes. Il entame une activité de militant au sein du PCF (il devient journaliste à l’Humanité et crée le journal « Ce soir) », tout en se consacrant à l'écriture de romans sociaux.

Il retrouve la médecine militaire pendant la Seconde Guerre Mondiale et entre dans la Résistance avec Elsa Triolet en créant avec elle le Comité National des Ecrivains pour la Zone Sud et le journal "La Drôme en Armes". "Les Yeux d'Elsa" (1942), "Le Musée Grévin", (1943), "La Rose et le Réséda", (1944) font partie de ses poèmes engagés.
Après la guerre, Louis Aragon continuera de partager son temps entre ses activités littéraires et son militantisme au sein du Parti communiste français. Le totalitarisme en URSS dont il prendra conscience à la mort de Staline, le conduira à ouvrir son journal « Les Lettres françaises » aux dissidents soviétiques. Ce qui ne l’empêchera pas de rester fidèle jusqu’à sa mort au PCF. Après la mort d'Elsa Triolet en 1970, il vit une sorte d'exil intérieur et affiche à la fin de sa vie ses penchants homosexuels.


Renée Claude (Renée Bélanger, 1939-2020)

Née Renée Bélanger à Montréal le 3 juillet 1939, Renée Claude débute jeune dans le métier. A Montréal, elle suit des cours de piano à l’école de musique Vincent-d’Indy pendant plusieurs années, de même que des cours d’art dramatique avec le comédien Paul Hébert ainsi que des cours de chant avec Alphonse Ledoux.

En 1955, elle remporte à 16 ans le premier prix du concours radiophonique « Les Découvertes de Billy Munro » à la station CKVL, à Verdun. Elle fait ses débuts à la télévision en 1960 à l’émission Chez Clémence, de la Société Radio-Canada. Elle fait ses premiers pas sur scène à Québec, à La Boîte à chansons. De 1963 à 1966, Renée Claude fait paraître 4 albums chez Sélect.

Parallèlement à cela, elle anime aux côtés d’Hubert Loiselle l’émission radiophonique « Pour ceux qui s’aiment » en 1965, et donne des concerts à l’Auditorium Le Plateau en 1964 et à la Comédie-Canadienne en 1966.

En 1967, Renée Claude passe chez Columbia et connaît son premier grand succès avec l’album et la chanson Shippagan de Michel Conte. Elle effectue une tournée québécoise avec Jacques Brel, et reçoit, en 1968, le trophée de la meilleure interprète au « Gala des artistes ». Elle en recevra deux autres en 1969 et en 1970. En 1969, elle signe un contrat avec Barclay, où elle restera jusqu’en 1974 pour de nombreux disques.

Parmi les artistes avec qui elle a collaboré, on trouve Stéphane Venne (Le Tour de la terre, La Rue de la Montagne), Michel Conte (Viens faire un tour), Luc Plamodon, Diane Dufresne…

Elle a été la première chanteuse à atteindre les meilleures positions du palmarès avec des chansons québécoises.

En février 2019, on apprend l’hospitalisation de Renée Claude qui souffre de la maladie d’Alzheimer. Le 8 mars, « Journée internationale des droits des femmes », 11 chanteuses du Québec enregistrent son plus grand succès, Tu trouveras la paix, pour ramasser de l’argent pour le Fonds de la recherche sur la maladie d’Alzheimer du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM)

Renée Claude s’éteint le matin du 12 mai 2020 à Montréal, emportée par la Covid-19. Elle avait 80 ans.




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La semaine de la langue française et de la francophonie

21/03/2023 > 26/03/2023

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