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Chansons de tous les temps  

Après « Un petit air de francophonie », la première éphéméride à l’occasion de la semaine de la Francophonie de 2021, Le Hall de la chanson revient cette année, pour la 28e édition de la Semaine de la langue française et de la francophonie au doux mot d’ordre et d’inspiration À tous les temps. 
Son éphéméride composé de 7 chansons qui chantent le temps qui passe ou le temps qu'il fait, révélera, chaque jour sur le site du Hall de la chanson, une nouvelle chanson à entendre et à lire accompagnée de quelques lignes de commentaires sur l’œuvre et sur l’artiste qui l’a portée. 
Prenez le temps de jeter un coup d’œil et d'oreille à nos chansons de tous les temps, elles vont vous faire voyager dans la langue française par la voix des artistes. 




Saturne (P & M : Georges Brassens, 1965, Editions musicales 57)


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Paroles 

Il est morne, il est taciturne
Il préside aux choses du temps
Il porte un joli nom, Saturne
Mais c'est un Dieu fort inquiétant
Il porte un joli nom, Saturne
Mais c'est un Dieu fort inquiétant

En allant son chemin, morose
Pour se désennuyer un peu
Il joue à bousculer les roses
Le temps tue le temps comme il peut
Il joue à bousculer les roses
Le temps tue le temps comme il peut

Cette saison, c'est toi, ma belle
Qui a fait les frais de son jeu

Toi qui as payé la gabelle
Un grain de sel dans tes cheveux
Toi qui as payé la gabelle
Un grain de sel dans tes cheveux

C'est pas vilain, les fleurs d'automne
Et tous les poètes l'ont dit
Je te regarde et je te donne
Mon billet qu'ils n'ont pas menti
Je te regarde et je te donne
Mon billet qu'ils n'ont pas menti

Viens encore, viens ma favorite
Descendons ensemble au jardin
Viens effeuiller la marguerite
De l'été de la Saint-Martin
Viens effeuiller la marguerite
De l'été de la Saint-Martin


Je sais par cœur toutes tes grâces
Et pour me les faire oublier
Il faudra que Saturne en fasse
Des tours d'horloge, de sablier
Et la petite pisseuse d'en face
Peut bien aller se rhabiller...




L’année 1963 commence mal pour Georges Brassens. Le 16 janvier, il est admis d’urgence à la clinique Jouvenet où il est opéré du rein gauche. On lui retire une « pierre de la taille d’un petit pois » et on lui conseille de boire au moins deux litres d’eau par jour. Après plusieurs mois de convalescence, le poète se produit à Bobino du 12 septembre au 7 octobre. C’est lors d’un de ces tours de chant à Bobino, le 13 septembre, qu’il « crée » Saturne qui était jusque-là une chanson inédite. L’enregistrement de ce concert par Europe n°1 est intégré au coffret « Dix ans de Brassens », comprenant six 33-Tours 30cm, une plaquette de 64 pages de textes et photos. Ce coffret qui sort en novembre est couronné du Grand Prix du Disque de l’Académie Charles Cros. La Sacem lui décerne le Prix Vincent Scotto et il entre dans la collection « Poètes d’Aujourd’hui » de Seghers, dont la préface est signée Alphonse Bonnafé, le professeur de français de 3e à qui il doit tant. C’est ainsi que l’année s’acheva bien mieux qu’elle n’avait commencé.

Brassens a-t-il écrit Saturne durant sa convalescence ? Cette chanson évoque le temps et son écoulement inexorable. Il est ce dieu qui nous enfante, mais il est aussi celui qui « mange ses enfants » …

Si Brassens a souvent traité avec verve la passion amoureuse et sexuelle, ici, il va se faire discret et admiratif en rendant hommage à la femme d’un certain âge, laquelle n’a rien à envier à la femme jeune. En effet, et d’une manière paradoxale, les traces laissées par le passage du temps vont rehausser la beauté de la femme et amplifier son mystère. Le chanteur-poète a choisi l'âge mûr et la « petite pisseuse d’en face peut aller se rhabiller ».

Loin de l’amour-passion, et ses feux éphémères, Brassens fait ici l’éloge de l’« amour automnal », apaisé et contemplatif. Il s’incline devant la femme aimée. C’est à Püppchen, sa compagne rencontrée en 1947, qu’il s’adresse vraisemblablement avec cette chanson. Le couple vécut une relation discrète jusqu’en 1981, année de la mort du chanteur.

La lente et grave mélodie, assez mélancolique, composée par Brassens, n’entrave néanmoins pas l’humour calme et apaisé des paroles.


Biographie

Georges Brassens

(1921 - 1981)

Auteur, Compositeur, Interprète

Né à Sète, ses idoles de jeunesse s'appellent Ray Ventura, Vincent Scotto et Charles Trenet. Il s'installe à Paris en 1940. Un temps ouvrier, il publie des poèmes à compte d'auteur. Envoyé au STO (Service du Travail Obligatoire), en Allemagne en 1943, il profite d'une permission pour déserter. Il trouve refuge chez Jeanne Le Bonniec, impasse Florimont à Paris, à laquelle il dédiera des chansons (La Cane de Jeanne, Chez Jeanne), ainsi qu'à son compagnon (Chanson pour l'Auvergnat). Il se consacre alors à l'écriture de deux romans, de poèmes et de chansons. En 1946 et 1947, il écrit dans Le Libertaire, organe de la Fédération Anarchiste.

Après de brefs premiers pas à l'Ecluse et au Lapin Agile, sa carrière débute vraiment Chez Patachou en 1952. Patachou décide d'interpréter ses chansons, et le pousse à se produire, notamment en chantant Le Gorille. Jacques Canetti l'y découvre ; il le fait passer dans son cabaret, Les Trois-Baudets, et lui fait enregistrer ses premiers 78 Tours. En 1953, il retourne aux Trois-Baudets, fait son premier Bobino, et entreprend une longue tournée en France.

Avec ses poèmes et sa guitare, il est déjà la figure emblématique du style Rive Gauche. Grand Prix du Disque de l'Académie Charles Cros en 1954, on le retrouve en tournée, à Bobino et à l'Olympia. Il est le deuxième artiste, après Gilbert Bécaud, à inaugurer la salle après sa remise sur pied par Bruno Coquatrix. A cette époque il rencontre Jean Bertola, son directeur artistique officieux, et Pierre Nicolas, qui restera son contrebassiste attitré. Brassens est déjà un monument : il enchaîne enregistrements, tournées et récitals sans repos. Il se produit à l'Olympia en 1955, 1957, 1960, et encore à Bobino, sa salle fétiche, en 1956, 1957, 1960, 1962, 1963, 1964, 1967, 1969, 1972 et 1976. Même la vague yé-yé, qui a rendu la vie difficile à bon nombre de chanteurs des années 50, n'ébranle pas son succès. Sur scène, comme sur disque, son style ne varie pas : statique, il s'accompagne à la guitare, épaulé par son contrebassiste Pierre Nicolas et, à partir de 1965, du guitariste Joël Favreau. Son trac maladif et ses coliques néphrétiques peuvent expliquer cela ; mais il s'agit avant tout d'un parti pris esthétique, celui d'un certain minimalisme.

Brassens a toujours composé au piano, même si sur scène et sur disque son instrument de prédilection reste la guitare. Sa voix est monocorde, mais sa musique, autant les mélodies que l'harmonie, souvent d'influence jazz, est extrêmement travaillée. Ses textes sont parfois emprunts de structures classiques, d'expressions médiévales, d'argot désuet, et de paillardise. Brassens reste le poète de l'amitié, de l’amour des femmes, de la mort et du refus des conventions.

Il meurt d'un cancer le 29 octobre 1981, dans un petit village près de Sète, sa ville natale où il est enterré.

 


Si vous n'avez pas encore eu le temps de lire nos premiers rendez-vous : c'est par ici, ou encore ici et ici et par !


La semaine de la langue française et de la francophonie

24 Mar. et 26 Mar. 2023

le hall de la chanson