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Chansons de tous les temps  

Après « Un petit air de francophonie », la première éphéméride à l’occasion de la semaine de la Francophonie de 2021, Le Hall de la chanson revient cette année, pour la 28e édition de la Semaine de la langue française et de la francophonie au doux mot d’ordre et d’inspiration À tous les temps. 
Son éphéméride composé de 7 chansons qui chantent le temps qui passe ou le temps qu'il fait, révélera, chaque jour sur le site du Hall de la chanson, une nouvelle chanson à entendre et à lire accompagnée de quelques lignes de commentaires sur l’œuvre et sur l’artiste qui l’a portée. 
Prenez le temps de jeter un coup d’œil et d'oreille à nos chansons de tous les temps, elles vont vous faire voyager dans la langue française par la voix des artistes. 



Je hais les dimanches (P : Charles Aznavour / M : Florence Véran, © 1951, éd. Raoul Breton) 

Interprète choisie : Edith Piaf



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Paroles : 

Tous les jours de la semaine
Sont vides et sonnent le creux
Bien pire que la semaine
Y a le dimanche prétentieux
Qui veut paraître rose
Et jouer les généreux
Le dimanche qui s'impose
Comme un jour bienheureux

Je hais les dimanches !
Je hais les dimanches !

Dans la rue y a la foule
Des millions de passants
Cette foule qui coule
D'un air indifférent

Cette foule qui marche
Comme à un enterrement
L'enterrement d'un dimanche
Qui est mort depuis longtemps.

Je hais les dimanches !
Je hais les dimanches !

Tu travailles toute la semaine et le dimanche aussi
C'est peut-être pour ça que je suis de parti pris
Chéri, si simplement tu étais près de moi
Je serais prête à aimer tout ce que je n'aime pas

Les dimanches de printemps
Tout flanqués de soleil

Qui effacent en brillant
Les soucis de la veille
Dimanche plein de ciel bleu
Et de rires d'enfants
De promenades d'amoureux
Aux timides serments

Et de fleurs aux branches
Et de fleurs aux branches

Et parmi la cohue
Des gens, qui, sans se presser
Vont à travers les rues
Nous irions nous glisser
Tous deux, main dans la main
Sans chercher à savoir
Ce qu'il y aura demain
N'ayant pour tout espoir


Que d'autres dimanches
Que d'autres dimanches

Et tous les honnêtes gens
Que l'on dit bien-pensants
Et ceux qui ne le sont pas
Et qui veulent qu'on le croit
Et qui vont à l'église
Parce que c'est la coutume
Qui changent de chemises
Et mettent un beau costume
Ceux qui dorment vingt heures
Car rien ne les en empêche
Ceux qui se lèvent de bonne heure
Pour aller à la pêche
Ceux pour qui c'est le jour
D'aller au cimetière

Et ceux qui font l'amour
Parce qu'ils n'ont rien à faire
Envieraient notre bonheur
Tout comme j'envie le leur
D'avoir des dimanches
De croire aux dimanches
D'aimer les dimanches
Quand je hais les dimanches...




« Je hais les dimanches ! » est le titre d’une tribune de Marcela Iacub parue en décembre 2014 dans Libération à propos de ce jour de la semaine que les personnes seules redoutent pour la fermeture de la plupart des commerces et lieux de distraction. Jour qui oblige aussi les familles à trouver de quoi s’occuper pendant cette journée de repos…

Je hais les dimanches, c’est aussi et surtout le titre d’une chanson écrite par Charles Aznavour pour Édith Piaf sur une musique de Florence Véran.

Aznavour et Piaf se rencontrent en 1946 lors d’un concert radiophonique auquel Charles Trenet participe aussi. A l’époque, Aznavour n’est pas encore connu et est en duo avec le pianiste Pierre Roche. Piaf fait venir Aznavour en coulisse et lui dit : « J’aime quand vous chantez parce que vous mordez comme moi dans les mots ». Elle l’invite chez elle pour un repas entre amis. Ils se découvrent une passion pour la valse musette. Elle l’emmènera avec Pierre Roche en tournée aux Etats-Unis et au Canada. Il fera ensuite sa première partie. Il deviendra son homme à tout faire : il lui servira de chauffeur, éclairagiste, confident, traîne-valise, secrétaire… Il collectionnera les surnoms : « petit con », « petit génie », « le petit génie con ». Elle lui demandera aussi de lui écrire des chansons. Elle en rejettera beaucoup et en interprétera 7 dont fait aussi partie Plus bleu que tes yeux, qu’il reprendra d’ailleurs virtuellement avec elle pour les besoins de son disque « Plus bleu… » paru en 1997. C’est elle qui le persuadera d’entamer une carrière solo et de se faire changer le nez qui était un sujet de moquerie. Il dira d’elle « Elle a été la première à croire en moi ».

Néanmoins, quand Aznavour lui propose Je hais les dimanches, Piaf la refuse, la trouvant indigne à son répertoire pour son texte pessimiste.

Il la propose alors à Juliette Gréco qu’il va voir à La Rose rouge. Malgré une mauvaise réception d’une partie de la presse (« Si elle boulonnait un peu, elle saurait ce que c’est, elle aimerait les dimanches » (Michel Grisolia et Françoise Mallet-Joris, Juliette Gréco, partie biographique, Seghers, coll. Poésie et chansons n°35, 1999), Gréco et cette chanson remportent un triomphe auprès du grand public et gagnent le prix Édith-Piaf d'interprétation au concours de Deauville le 23 août 1951. Piaf qui la voit gagner un prix à son nom avec cette chanson qu’elle a refusée, crie à la trahison, reprochant de mauvaise foi à son auteur de ne pas la lui avoir proposée. Elle l’enregistre elle-même en octobre, déclarant à Aznavour : « Je vais lui montrer comment on la chante ». Pia Colombo l’interprétera également et Aznavour l’enregistrera en 1954.




Biographies

Charles Aznavour (Varenagh Aznavourian)

(1924-2018)

Auteur, Compositeur, Interprète 

Né à Paris dans une famille d'émigrés arméniens, il monte très tôt sur les planches, et interprète plusieurs rôles d'enfant au théâtre. Vivant de petits métiers pendant la guerre, il commence sa carrière en duo avec le pianiste Pierre Roche. Il rencontre Edith Piaf qui emmène le duo en tournée, avant que Pierre Roche n'abandonne en 1950.

Il entrevoit un succès d’interprète avec « Sur ma vie » confirmé en 1954 par un passage à l'Olympia puis à l'Alhambra, sur la scène duquel il crée Je m'voyais déjà. Sa carrière d'interprète est lancée. Elle le mène d'un premier passage en vedette à l'Olympia en 1957 à un triomphe au Carnegie Hall de New-York en 1963, ou à un récital marathon en 1965, encore à l'Olympia.

Il poursuit parallèlement une carrière d’acteur au cinéma : (Les dragueurs de Jean-Pierre Mocky, 1958, La tête contre les murs de Georges Franju, qui lui vaut le prix d'interprétation masculine du cinéma français, Tirez sur le pianiste de François Truffaut en 1965…).

Il enchainera les succès en tant qu’interprète de ses propres chansons (Les Comédiens (1962), La Mamma (1963) et avec celles qu’il écrira pour les autres (Retiens la nuit en 1962 pour Johnny Hallyday).

Il deviendra une des rares vedettes françaises de renommée internationale. Ce qui lui permettra d’investir avec Liza Minnelli le Palais des Congrès en 1991 et de sortir en 2008 un disque de duos avec des stars internationales de la chanson (Bryan Ferry, Placido Domingo, Paul Anka). Il montera des comédies musicales et sortira sa biographie en différents volumes. Il s’éteindra en 2018.


Florence Véran

(Eliane Meyer 1922- 2006)

Née à Paris. Compositeur, elle devient interprète dans les cabarets, mais aussi à Bobino et à l’Olympia sans succès.

Elle écrit pour les autres de grands succès, Je hais les dimanches pour Gréco en 1951, Le noyé assassiné pour Philippe Clay en 1955, On m’a donné une âme pour Mouloudji en 1953, et de nombreux autres titres pour Patachou, Lucienne Delyle.


Edith Piaf (Giovanna Gassion)

 (1915-1963) 

La vie de Piaf est devenue une légende, à laquelle, elle a beaucoup contribué, l’idéalisant parfois.

Elle n’est pas née dans la rue mais son père y travaillait en qualité de jongleur. Sa mère était chanteuse et faisait usage de drogues. Son père la confie de 2 à 7 ans à sa propre mère qui tient une maison close à Bernay en Normandie. A son retour son père l’entraîne, jusqu’à la fin de son adolescence dans ses numéros de rue où elle l’accompagne en chantant, à la cantonade et sans instrument, les deux seules chansons qu’elle connaît : (La Marseillaise et Les deux ménétriers). Louis Leplée un patron de cabaret chic (le Gerny’s) passant par-là, la remarque et l’engage. Elle chante devant le « Tout Paris ». C’est aussitôt un succès. Tout s’enchaîne malgré la fermeture de la salle après l’assassinat de son patron. Sans complaisance à son égard, Raymond Asso, auteur pour Marie Dubas que la jeune chanteuse admire, devient son Pygmalion. Il continue le travail de Leplée, ajoutant à la petite robe noire et au nom Piaf, des chansons. Piaf alors partage des chansons réalistes ou goualantes avec d’autres chanteuses (Dubas ou Frehel), évoluant entre chansons réalistes et goualante. Progressivement, elle s’en libère et se révèle exigeante tant dans son choix de chansons que de partenaires amoureux, confondant les deux, leur commandant les chansons qui correspondent au personnage de scène qu’elle a su se créer.

Elle devient elle-même Pygmalion(e), formant les jeunes chanteurs, orientant les auteurs ou compositeurs, d’Henri Contet ou Dréjac à Moustaki et Sarapo, en passant par Montand, bien sûr. D’autres ont appris d’elle (Aznavour et Bécaud). Et au milieu de ces hommes, une musicienne à laquelle elle demeure fidèle, véritable sœur d’inspiration : Marguerite Monnot.

Son public toujours unanime, se reconnaissant en elle, s’étend de la classe ouvrière à l’élite la plus recherchée de Cocteau, la suivant dans ses expérimentations les plus nouvelles et inspirées des adaptations de musique sud-américaine (La foule) à un des premiers Rock’n roll à l’a française (L’homme à la moto).

Les années 1950 voient son apogée et un petit déclin. Son répertoire oscille maintenant entre des chansons pathétiques puissantes et des chansons sentimentales plus légères. Salle Pleyel, Edith Piaf chante L'hymne à l'amour, chanson à la mémoire de Marcel Cerdan. Après avoir essuyé un accueil glacial des états-uniens, à force de tournées, elle finit par forcer leur admiration. Elle enregistre même plusieurs adaptations de ses chansons en anglais : Hymn to love, La vie en rose, et Les trois cloches.

Après de longs mois de répétition, Piaf se met au théâtre où on peut l'applaudir dans « La Petite Lili » de Marcel Achard à l’ABC où « Le bel indifférent » de Jean Cocteau.

En 1958, ses succès récents répétés lui permettent de rester à l'affiche de l'Olympia pendant trois mois.

Piaf s'use. Elle veut vivre ses passions en quelques semaines, abandonnant par exemple Félix Marten juste après l’avoir mis sur les rails. En 1958, ses chansons veulent chanter l'espoir, Eden blues, Je sais comment. Mais elles ne font aucun succès. En 1959, elle enregistre Faut pas qu'il se figure, T'es beau tu sais, et Milord de Georges Moustaki avec qui elle a une relation, mais qui la quittera. Edith a un nouvel accident de voiture et subit des opérations. Elle part quand même pour New-York, minée par un ulcère à l'estomac, elle s'effondre sur la scène du Waldorf Astoria. Elle annule quelques spectacles dans le Nord de la France. Elle se lie et bientôt se marie religieusement au jeune chanteur Théo Sarapo. Très fragile, elle se produit sur scène avec lui pour chanter en duo À quoi ça sert l’amour et le charme de sa liberté affichée opère. Ses passages à la télévision ajoutent à sa consécration.

Elle décède le 10 octobre 1963 comme Jean Cocteau. Ce jour-là la chanson et l’art bascule dans un autre temps.

 


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La semaine de la langue française et de la francophonie

26 Mar. 2023 - 15h00

le hall de la chanson